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6 juin 2007

Publicité pour édulcorant : un lancement au goût amer

Mc Neil vient d’être condamné pour avoir cherché à donner à son édulcorant Splenda l’image d’un produit proche du sucre, alors qu’il s’agit d’un produit de synthèse. Il ne devrait plus mentionner sur ses emballages les allégations selon lesquelles « parce qu’il provient du sucre le sucralose a un gout de sucre » et « provient du sucre et a un gout de sucre ».

Quelles sont les limites posées en matière de publicité pour édulcorants ? C’est à cette question que vient de répondre le Tribunal de Commerce de Paris dans une affaire opposant deux géants du secteur, les groupes Merisant (fabricant du Canderel) et Mac Neil (fabricant du Splenda) à propos des mentions utilisées par ce dernier pour la présentation de son produit (1). Pour condamner Mc Neil, les juges ont considéré que la présentation du Splenda lors de son lancement  sur le marché français en 2006 était trompeuse et de nature à induire en erreur le consommateur. Les mentions utilisées sur l’emballage ou dans la publicité conféraient au Splenda l’image d’un produit qui ne serait « pas tout à fait un édulcorant, pas tout à fait du sucre mais quand même assez « naturel », à cheval entre le monde du sucre et celui des édulcorants. Plus précisément, Mc Neil s’est vu reprocher l’utilisation de deux allégations « parce qu’il provient du sucre le sucralose a un gout de sucre » et « provient du sucre et a un gout de sucre ».

Allégations publicitaires non fondées ou de nature à induire en erreur

Concernant la première allégation, le Tribunal a relevé que le Splenda était fabriqué à partir de sucralose et que sucralose pouvait lui-même provenir du saccharose (du sucre). Mais le sucralose pouvait également être fabriqué à partir d’autres produits, comme le raffinose. Par ailleurs, les rapports scientifiques produits aux débats ne démontraient pas que le  gout sucré du sucralose soit la conséquence directe du fait qu’il soit fabriqué à partir du saccharose. Ainsi la preuve de la véracité de l’allégation n’était pas rapportée.

Concernant la seconde allégation, s’il n’était pas inexact de dire que ce produit « provient du sucre et a un gout de sucre », cette expression positionnait Splenda comme un produit « hybride ». Elle l’assimilait « au sucre ou à tout le moins à une sorte de sucre allégé ou un extrait de sucre ». Cette ambiguité était susceptible d’induire en erreur le consommateur sur les qualités intrinsèques du produit.

Ainsi, les juges ont reproché à Mc Neil de chercher à donner à son édulcorant l’image d’un produit proche du sucre, alors qu’il s’agit d’un produit de synthèse. Selon la décision, « en insistant dans sa publicité et dans les indications portées sur les emballages des produits Splenda, sur l’origine « sucre » du produit de synthèse Splenda, sur le « goût de sucre » de ce produit et sur la relation entre ce goût et cette origine, Mc NEIL a cherché à différencier l’image de son produit de celle des édulcorants présents sur le marché français, en visant l’objectif d’acclimater, dans l’esprit du consommateur, l’image d’un produit édulcorant assez proche du sucre ».

Selon le Tribunal, le fait d’apposer la mention « édulcorant » de manière systématique, immédiatement en dessous de la marque Splenda, à plusieurs endroits de l’emballage, n’était pas suffisant pour écarter tout risque de confusion.

Emploi licite du verbe « sucrer »

Par contre, le tribunal n’a pas jugé que l’emploi du verbe « sucrer » et de l’expression « une nouvelle façon de sucrer » soit illicite. Certes la réglementation sur les allégations relatives aux édulcorants (2) proscrit toute « mention [sur l’étiquetage ou dans la publicité] indiquant, suggérant ou laissant croire que les édulcorants de synthèse possèdent des propriétés semblables à celles du sucre ». Mais puisque le tribunal ne développe pas sa position sur ce point (3), on suppose qu’il fait sienne l’analyse restrictive de la législation selon laquelle indiquer qu’un édulcorant « sucre » ou a un « gout sucré » ne revient pas à suggérer qu’il a les « propriétés » du sucre. On ne peut qu’approuver cette analyse. Interdire l’emploi du verbe « sucrer » pour décrire l’effet des édulcorants rendrait très difficile toute communication sur ces produits. De plus, le verbe « édulcorer » ne signifie pas « sucrer ». Par quel terme, dans ces conditions, remplacer le verbe « sucrer » ?

Tromperie sur une caractéristique essentielle du produit ?

Ensuite le Tribunal a refusé d’admettre que la présentation du Splenda constituait une tromperie sur les qualités substantielles du produit (4). L’article L213-1 du Code de la Consommation sanctionne quiconque « aura trompé (…) le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit [sur] les qualités substantielles, la composition (…) de toutes marchandises ». Ce texte, a expliqué avec raison le Tribunal, n’impose pas que soient précisés sur l’emballage « tous les éléments qui ont contribué à l’opération de synthèse par laquelle un édulcorant est obtenu ». C’est pourquoi Mc Neil n’avait pas l’obligation de mentionner que le chlore intervient dans la fabrication du Splenda.

Toutefois, dire ou suggérer des informations inexactes relatives à un produit peut constituer l’infraction. A titre d’exemple, « étiqueter une marchandise comme étant issue de la culture biologique alors que le produit est issu d'une agriculture traditionnelle constitue une tromperie (5) ». Le fait de dire que le pouvoir sucrant du Splenda provient du sucre ne relèverait-il pas également de la tromperie ? Cela semble tout à fait possible. Si Mc Neil n’a certainement pas voulu faire passer le Splenda pour du sucre, il a consciemment souhaité créer un lien artificiel entre son produit et le sucre. Cette filiation peut avoir été déterminante dans la décision d’achat des consommateurs souhaitant se procurer un édulcorant plus « naturel » qu’un autre. La mention « édulcorant » étant insuffisante pour écarter tout risque de confusion, le consommateur peut donc avoir été trompé par les mentions sus-évoquées. Ainsi en l’espèce, on peut considérer que les infractions de tromperie et de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur font double emploi.

Réglementation sur l’étiquetage

Le Tribunal n’a pas non plus admis qu’il y ait infraction à la réglementation sur l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires (6). Ce point surprend. L’article R112-7 du code de la consommation pose que « l'étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur (…) ». Le code de la consommation définit l’étiquetage comme « les mentions, indications, marques de fabrique ou de commerce, images ou signes se rapportant à une denrée alimentaire et figurant sur tout emballage, document, écriteau, étiquette, bague ou collerette accompagnant ou se référant à cette denrée alimentaire (7) ». Ainsi les allégations dont l’emploi a été sanctionné au titre de la publicité de nature à induire en erreur font partie de l’étiquetage.

Pour condamner Mc Neil, le tribunal a estimé que « les indications portées sur les emballages du produit Splenda [peuvent] induire en erreur sur les qualités intrinsèques de ce produit ». On voit mal comment les mêmes mentions pourraient être de nature à induire en erreur le consommateur (8) sans être de nature à créer une confusion dans l’esprit de l’acheteur (9)….Si l’inverse n’est pas vrai, un étiquetage de nature à créer une confusion dans l’esprit de l’acheteur constitue toujours une publicité de nature à induire en erreur.

En l’espèce, le Tribunal n’était pas une juridiction pénale, mais commerciale. Il n’avait pour mission que de sanctionner un comportement déloyal constitué par l’utilisation des mentions litigieuses. Il a ordonné le retrait de ces allégations des emballages du produit et alloué 1 € de dommages et intérêts à la société demanderesse. Sa décision n’aurait certainement pas été différente s’il avait également estimé qu’il y avait également tromperie et que la réglementation sur l’étiquetage n’avait pas été respectée. C’est certainement la raison pour laquelle ses motifs sont si lapidaires. On ne peut toutefois, en toute orthodoxie juridique, s’en contenter.

Nous ne savons pas si Mc Neil fera appel. Cependant, Merisant ne le poursuivait pas qu’en France. Il poursuivait également son concurrent aux Etats-Unis, lui reprochant l’utilisation de la version anglaise de son slogan : « made from sugar so it tastes like sugar ». Il semble que les deux fabricants se soient accordés sur les termes d’une transaction, signée le lendemain de la décision française.

Céline Marchand

(1) TC Paris, 15ème Chambre, décision du 10.05.2007

(2) Article 10 de la loi 88-14 du 5 janvier 1988

(3) Il se borne à fonder son analyse « compte tenu de ce qui est rappelé ci-dessus »

(4) Article L 213-1 du Code de la Consommation

(5) CA Poitiers, 12 sept. 1996, Verge et a.: Contrats, conc. consom. 1996, comm. 212

(6) Article R 112-7 du Code de la Consommation

(7) Article R112-1 du Code de la Consommation

(8) L’article  L121-1 pose qu’est « interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après ; existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l'objet de la publicité, conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par l'annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires ».

(9) L’article R112-7 du code de la consommation pose quant à lui que « l'étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur ou du consommateur, notamment sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et notamment sur la nature, l'identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, l'origine ou la provenance, le mode de fabrication ou d'obtention ».

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