Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Marchandroit
Marchandroit
Marchandroit
  • Un blog sur le droit, la distribution, le marketing, la consommation...avec une préférence pour tout ce qui concerne les aliments, les produits de santé et les cosmétiques. A blog about law, business, and marketing with a focus on health products.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Newsletter
25 janvier 2007

DRM Break

Un exemple de publicité mensongère constitué par des Conditions Générales de Vente de vidéo en ligne inadaptées aux difficultés techniques posées par le service proposé…Et où l’on apprend que nul n’est censé ignorer les DRM !

J’ai la faiblesse d’apprécier une série télévisée au suspense insoutenable dont j’ai raté (ciel !) quelques épisodes. Juriste honnête et droite (et en manque), j’ai souhaité utiliser les services d’un site de téléchargement légal de vidéos pour regarder ceux que je n’avais pas vus.

Le fonctionnement du site est le suivant : je dois créer un « compte utilisateur » et télécharger un logiciel qui me permet de lire les vidéos proposées. Je paie et télécharge ensuite l’épisode choisi que j’ai 24 heures pour visionner à volonté. Jusque là, c’est très simple.

Les conditions générales de vente précisent que l’utilisateur doit disposer d’une configuration minimale que, vérification faite, je possède.

Je me plie donc scrupuleusement aux prescriptions du site : je crée mon compte, télécharge le logiciel miracle, paie, télécharge une vidéo, et m’installe (enfin) sur mon canapé. Armée de quelques guimauves au chocolat, je clique sur « play ».

Et là, rien. Ou plutôt si, de grosses tâches de couleur en guise d’images.

Je me dis que ne dois pas être très à jour dans mes utilitaires et que, pour remédier au problème, je dois updater mes logiciels. Je me procure donc Internet Explorer 7 et Windows Media Player 11, et, nantie de ces équipements dernier cri, je reprends une guimauve.

Mais là c’est pire.

Lorsque je clique sur « play », le site affirme que ma « licence est expirée », qu’il y a un problème de « validité de licence » et autres billevesées. Or je viens d’acquérir les droits sur l’épisode choisi.

Je refais tout le processus depuis un autre ordinateur. Ca ne fonctionne pas mieux.

Je contacte - avec peine - le webmaster (il parait que mon adresse email est invalide parcequ’elle comporte un point!).

Je vous passe le détail de nos échanges : une quinzaine de mails en deux semaines. Quinze jours pendant lesquels je réachète les mêmes épisodes, essaie de les visionner directement sur le site, sur mon ordinateur, sur l’ordinateur de mon compagnon…Rien n’y fait. A la fin, certainement épuisé par mon obstination à comprendre, le Gentil WebMaster me contacte par téléphone. C’est encore ce qu’on fait de mieux pour échanger rapidement des informations. Et là, tout s’éclaire !

Je parviens à comprendre pourquoi je n’arrive pas à visionner les vidéos :

  • Si les conditions générales de vente prescrivent une configuration minimum, elles omettent de préciser que le site ne fonctionne pas avec une configuration maximum, à savoir Internet Explorer 7.

Je n’aurais pas du mettre à jour mes logiciels. Mais je n’avais aucun moyen de le savoir… (Et je serais restée devant de belles taches colorées).

  • Mieux : contrairement à toute stipulation expresse, l’utilisateur du Service n’acquiert pas, comme il le croit, le droit de visionner les vidéos « achetées » pendant 24 heures. Il acquiert seulement le droit de les regarder pendant cette durée depuis l’ordinateur à partir duquel il a effectué son paiement…..

Les internautes sont habitués à accéder aux services internet sur lesquels ils sont enregistrés depuis n’importe quel ordinateur. Ils accèdent à de multiples comptes personnels – boites emails, paniers de cybermarché, jeux en ligne…indifféremment du bureau, de la maison, ou de l’ordinateur du voisin.

Ils ne peuvent donc que comprendre, des explications fournies par le site, qu’en payant ils vont acquérir le droit de télécharger et de regarder les vidéos de n’importe quel ordinateur pendant les 24 heures de validité de la licence.

En juriste appliquée, je jette un coup d’œil sur les Conditions Générales de Vente. Elles précisent :

  • Article 4.5 : « L’Utilisateur peut accéder à la liste de toutes les vidéos qu’il a téléchargées et les visionner (pour celles dont la licence est encore valable) en cliquant sur le bouton « Mes Vidéos ». (1)»

  • Article 6 (relatif aux DRM ou systèmes de gestion des droits numériques) : « l’Utilisateur ne pourra visionner ses Vidéos qu’après authentification de sa clé. Cette clé est stockée dans une licence cryptée distribuée séparément du fichier multimédia. (2) »

Si l’utilisateur peut accéder à la liste des vidéos qu’il a téléchargées et cliquer sur le bouton « mes vidéos » depuis n’importe quel terminal, il ne pourra néanmoins les visionner que depuis l’ordinateur depuis lequel il aura procédé au paiement.

Or les CGV ne précisent aucunement que le téléchargement des vidéos ne peut se faire qu’une seule et unique fois sur l’ordinateur depuis lequel l’utilisateur a payé. De fait, et contrairement à toute stipulation expresse, la licence concédée est restreinte à l’ordinateur sur lequel l’utilisateur a payé les vidéos.

Juridiquement, les deux points évoqués constituent des « publicités mensongères ».

L’article L.121-1 du code de la consommation interdit en effet les indications ou présentations de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent, notamment, sur l’existence, les qualités substantielles, les propriétés et conditions de vente, les conditions d’utilisation et les résultats qui peuvent être attendus de l’utilisation de biens ou de services. Les peines prévues sont au maximum de deux ans d’emprisonnement et/ou de 37 500 euros d’amende.

Ils peuvent également être constitutifs du délit de tromperie visé par l’article L 213-1 du même code, ainsi que vient de le réaffirmer le TGI de Nanterre dans une affaire similaire concernant le téléchargement de musique en ligne (3).

Rappelons que le délit de tromperie vise quiconque aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, soit sur les qualités substantielles de toutes marchandises soit sur l'aptitude à l'emploi, les modes d'emploi ou les précautions à prendre.

Au cours de ma conversation téléphonique avec le Gentil WebMaster, je lui ai fait part de ces observations.

Il a bien voulu admettre que le problème de configuration maximum n’était pas précisé dans les CGV et que, certes, cela pouvait être problématique. Mais il a formellement contesté mon analyse concernant l’impossibilité de visionner la vidéo depuis n’importe quelle machine. Son argumentaire à ce sujet était absolument imparable :

« S’il n’est effectivement pas inscrit noir sur blanc sur les Conditions Générales de Vente que l’utilisateur ne peut utiliser le Service depuis un unique ordinateur, cela ne peut pas l’induire en erreur. En effet, » m’affirma-t-il, « ….nul n’est censé ignorer les DRM » !

J’ai finalement renoncé à regarder la fin de la série (4). Mais j’ai pris là une grande leçon de droit !

Céline Marchand

(1) Texte complet de l’article : 4.5. Description du service de téléchargement à la demande : Afin de télécharger des vidéo à la demande, les Utilisateur doivent s’identifier avec l’identifiant et le mot de passe correspondant à leur Compte Utilisateur. Une fois identifié, les Utilisateurs peuvent rechercher des vidéos en utilisant un moteur de recherche interne au Service XXVidéo.fr où en consultant directement la liste des Vidéos disponibles dans les différentes listes thématiques (Séries, Emission, Jeunesse, Films, Musique). Après avoir fait sa sélection, l’Utilisateur clique sur le Vidéo qu’il souhaite télécharger. Une page de présentation de la Vidéo s’ouvre et informe l’Utilisateur des conditions particulières de téléchargement de la vidéo (prix, durée de validité). Pour commencer le téléchargement, l’Utilisateur clique sur le bouton lecture et s’ouvre alors une fenêtre de paiement telle que décrite à l’article 5 des présentes GCV/CGU. Une fois le paiement effectué, dans les conditions décrites à l’article 5 des présentes CGV/CGU le téléchargement de la Vidéo sur le disque dur de l’Utilisateur commence. Pour certaines Vidéo, une technique de téléchargement progressif (Progressive Download) permettra à l’Utilisateur de commencer à visionner la vidéo pendant que ladite vidéo est en cours de téléchargement. L’Utilisateur peut accéder à la liste de toutes les vidéos qu’il a téléchargées et les visionner (pour celles dont la licence est encore valable) en cliquant sur le bouton « Mes Vidéos ».

(2) 6. SYSTÈMES DE GESTION DES DROITS NUMÉRIQUES (Digital Rights Management ou "DRM"). L’architecture d’ensemble du Service M6 Video.fr repose également sur un système de gestion de droits numériques (les DRM) qui offre à XX WEB une plate-forme souple pour la distribution sécurisée de ses fichiers vidéo. 6.1. Description : Par ce système de chiffrement des Vidéos, l’Utilisateur ne pourra visionner ses Vidéos qu’après authentification de sa clé. Cette clé est stockée dans une licence cryptée distribuée séparément du fichier multimédia. La protection ainsi conférée permet de préserver le contenu des Vidéos et d’éviter tout piratage.

(3) TGI Nanterre, 6ème chambre, 15 décembre 2006, http://www.tntlex.com/public/jugement_ufc_sony.pdf

(4) Pour être précise, j’ai mis quinze jours à péniblement regarder quatre épisodes. J’ai déclaré forfait pour la suite…

Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Publicité