Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Marchandroit
Marchandroit
Marchandroit
  • Un blog sur le droit, la distribution, le marketing, la consommation...avec une préférence pour tout ce qui concerne les aliments, les produits de santé et les cosmétiques. A blog about law, business, and marketing with a focus on health products.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Newsletter
30 novembre 2006

Les primes de responsabilité civile professionnelle des médecins sont justifiées...

Bien qu'impressionnante, l'augmentation brutale du montant des primes d'assurance des médecins depuis l'arrêt Perruche est justifiée, selon le Conseil de la concurrence. Elle ne résulte pas de pratiques anticoncurrentielles. Les assureurs n'ont fait que procéder à un ajustement du montant des cotisations, qui étaient sous-évaluées par rapport au risque encouru.

publié sur : http://www.droit-medical.net

Le montant des primes d'assurance des praticiens de santé a connu une augmentation exponentielle à partir de 2001 (1). Jugeant cette hausse artificielle, plusieurs organisations professionnelles (2) ont saisi le Conseil de la concurrence, l'autorité chargée du contrôle des pratiques anticoncurrentielles en France, afin qu'il la déclare abusive. Il n'en fera rien : dans la décision qu'il vient de rendre (3), le Conseil ne relève ni abus de position dominante ni entente frauduleuse à l'encontre des assureurs. Il estime au contraire que les augmentations étaient justifiées tant pour des raisons financières, contextuelles que juridiques.

L'autorité de la concurrence n'a pas suivi l'argumentaire des organisations professionnelles selon lesquelles les évolutions tarifaires n'étaient justifiées ni par l'évolution du nombre des sinistres ni par l'adoption des lois Kouchner et About, favorables aux assureurs.

La Commission de contrôle des assurances (4), remarque le Conseil, signalait dès 2000-2001 aux assureurs qu'elle considérait leurs primes sous-estimées. Or, à la même époque, les assureurs durent simultanément faire face à plusieurs difficultés, dont la réévaluation des primes de réassurance après les événements de « septembre 2001 » et une baisse des recettes de leurs placements financiers. Selon le Conseil de la concurrence, ces événements eurent pour conséquence « un fort accroissement de l'incertitude » et des charges pensant sur les assurances ainsi qu'une diminution de la prévisibilité de leurs coûts.

L'instabilité des règles de la responsabilité civile médicale a accru ce phénomène avec l'arrêt Perruche. Celui-ci a autorisé l'indemnisation de l'enfant handicapé pour le préjudice né de son handicap fautivement non décelé. Suite à cette décision, les assureurs ont logiquement isolé une classe de risque relative aux échographistes fœtaux et adapté leurs tarifs. Face au tollé qui s'en est suivi, la loi Kouchner (5) a fait marche arrière. Posant que « nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance », elle a supprimé la possibilité pour l'enfant dont le handicap n'a pas été décelé pendant la grossesse d'être indemnisé. De même, la loi a restreint l'indemnisation de ses parents : ces derniers ne peuvent être indemnisés qu'en cas de faute caractérisée du professionnel ou de l'établissement de santé et leur indemnisation ne peut inclure les charges particulières découlant du handicap, celui-ci relevant désormais de la solidarité nationale.

Les difficultés des praticiens confrontés aux montants des cotisations ne résultent pas de comportements anticoncurrentiels des assureurs

Sur ces points, explique le Conseil de la concurrence, la loi Kouchner a « limité les impacts » de l'arrêt Perruche. Cependant cette la loi a également instauré un système d'indemnisation automatique des infections nosocomiales. Cette disposition alourdit la charge pesant sur les assureurs (6) malgré l'apport de la loi About (7) qui réserve à la solidarité nationale l'indemnisation des victimes les plus gravement touchées (8) et qui substitue au régime dit du « fait générateur » celui de la « base réclamation », plus favorable aux assurances.

Le Conseil de la concurrence ne fournit pas de calculs de probabilités permettant de déterminer l'impact, pour les assurances, de l'augmentation de leurs primes de réassurance, de la baisse de leurs placements financiers ou des lois Kouchner et About. La démonstration serait certainement fastidieuse. Aussi le Conseil préfère, comme à son habitude, procéder par déduction logique : si la hausse des tarifs avait réellement été disproportionnée par rapport aux services proposés par les assureurs, de nouveaux acteurs auraient tenté de pénétrer le marché afin de profiter de cette manne financière. Or il n'en est rien.

C'est même l'opposé qui se produisit : « malgré l'accroissement conséquent des primes et l'obligation d'assurance des médecins instaurée par la loi Kouchner, » remarque le Conseil, « aucun nouvel intervenant n'est arrivé sur le marché : au contraire des sociétés d'assurance déjà présentes l'ont quitté. Cette sortie du marché indique que les marges obtenues par les acteurs ne leur offraient pas un profit attractif ».

Pour l'Autorité de la concurrence, les difficultés (réelles) que rencontrent les praticiens de santé face aux montants de leurs cotisations ne résultent pas de comportements anticoncurrentiels de la part des assureurs. Elles sont plutôt le fruit d'un système qui empêche les professionnels conventionnés de répercuter l'accroissement des primes sur leurs honoraires.

Cette décision intervient au moment de la publication, par l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, des conclusions de la seconde étude réalisée en vue de l'adoption de la directive européenne « Solvency II ». L'objectif de cette directive est de renforcer la protection des assurés en réformant les règles de solvabilité des assureurs. Ils devront, lorsqu'elle sera applicable [9], disposer d'un niveau de capital bien plus important qu'à l'heure actuelle.

Ecartelés entre le mécontentement de leurs assurés et les exigences de garanties imposées par les autorités, nul doute que cette décision du Conseil de la concurrence arrive, pour les assureurs « responsabilité civile médicale », à point nommé.

Céline Marchand

(1) 400 % entre 2001 et 2002 selon la plainte des échographistes obstétricaux déposée auprès du Conseil de la concurrence.

(2) L'Alliance pour la formation, l'investissement et la retraite des médecins (AFIRM), l'Union des chirurgiens de France (UCF) et la Fédération de l'hospitalisation privée du Languedoc-Roussillon.

(3) Décision n° 06-D-34 du 9 novembre 2006 relative à des saisines concernant le domaine de l'assurance de la responsabilité civile médicale.

(4) La Commission de contrôle des assurances (CCA) est devenue l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM).

(5) Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002.

(6) Mais donc on ne peut que louer l'apport en termes d'indemnisation de la victime d'infection nosocomiale.

(7) Loi n° 2002-1577 du 31 décembre 2002.

(8) Il s'agit des victimes dont l'incapacité dépasse le seuil de 25 % d'IPP.

(9) Actuellement à l'état de projet, le texte n'est pas espéré avant le second semestre 2007.

Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Publicité