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17 novembre 2006

Distribution sur internet : la cosmétique fait peau neuve

Le Conseil de la Concurrence persévère dans son rôle de promoteur de la vente en ligne. Après les secteurs de l’horlogerie et de la hifi (1), c’est au tour du secteur cosmétique de se voir rappeler qu’un fabricant ne peut, par principe, interdire à ses distributeurs agréés la vente en ligne de ses produits (2). Cette procédure sonne-t-elle le glas de la célèbre jurisprudence Pierre Fabre sur la vente de cosmétiques sur le net ?

publié sur : http://www.legalbiznext.com

Cette nouvelle affaire concerne dix fabricants de produits cosmétiques (Bioderma, Caudalie, L'Oréal, Expanscience, Johnson & Johnson, Lierac, Nuxe, Oenobiol, Rogé Cavaillès et Uriage) à la tête de réseaux de distribution sélective. Jusqu’à présent, ceux-ci rendaient difficile ou interdisaient la distribution de leurs produits par internet. Or, les règles du droit de la concurrence prévoient que les fournisseurs ne peuvent - sauf exception - empêcher leurs distributeurs de vendre ou de faire de la publicité sur la toile (3). 

Plutôt que de contester le caractère anticoncurrentiel de leurs organisations, les sociétés visées par la procédure ont préféré modifier leurs contrats de distribution. Cette possibilité leur est ouverte par la procédure dite « d’engagement ». Elle permet aux entreprises, lorsque le Conseil est saisi de pratiques qui lui paraissent restrictives de concurrence, d’échapper à toute sanction en proposant des correctifs à leurs contrats. Ces propositions sont ensuite publiées pour permettre aux tiers intéressés de présenter leurs observations (4). Si ces propositions sont jugées satisfaisantes, le Conseil mettra fin à la procédure et ces engagements deviendront obligatoires.

Le Conseil de la Concurrence vient donc de publier les propositions d’engagements de dix fabricants de produits cosmétiques et invite les personnes intéressées à présenter leurs observations sur leur contenu avant le 14 décembre 2006.

Tous les cosmétiques ne sont pas concernés par cette procédure : seuls le sont ceux pour lesquels un consommateur doit pouvoir demander un conseil personnalisé délivré par une personne diplômée en pharmacie. Ces produits (5) sont distribués dans des pharmacies, les parapharmacies ou dans les rayons spécialisés des grands magasins et des grandes surfaces agréés.

Si les fabricants en cause autorisent la vente en ligne de leurs produits, seul Johnson & Johnson prévoit cette possibilité pour les « pure players » (6). Les autres fournisseurs, concevant le site internet comme le prolongement du point de vente physique, excluent les distributeurs opérant exclusivement sur le net. Cette possibilité avait déjà été validée par le Conseil de la concurrence dans sa décision Festina (7). Elle ne surprend donc pas.

En revanche Uriage souhaite que le site du distributeur soit exclusivement dédié à la vente de produits dermo-cosmétiques sur conseil pharmaceutique. Ces produits ne pourraient être vendus sur le même site que des produits cosmétiques classiques. Cette disposition exclut les parapharmacies généralistes en ligne ou les cybermarchés, sauf à ce qu’ils créent un nouveau site, uniquement destiné à la distribution de ces produits.

Considéré comme une extension du point de vente physique, le site doit répondre aux mêmes critères, notamment d’ordre esthétique. Les propositions d’engagement demandent donc aux sites d’adopter une présentation générale en adéquation avec l’image de marque des produits. Pour renforcer la filiation entre le local et le site, certains fournisseurs souhaitent que ses coordonnées et photographies y figurent (Caudalie, Uriage).

Comme dans le circuit traditionnel, ces cosmétiques doivent pouvoir faire l’objet d’un conseil. Il doit être « identique à celui que pourrait prodiguer un pharmacien sur un point de vente physique» (Oenobiol). Les fabricants prévoient ainsi la création sur le site d’un « espace Questions-Réponses » permettant d’apporter des réponses en ligne (Johnson & Johnson) ou la mise en place d’une hotline (Caudalie) dont le numéro d’appel pourrait être gratuit ou à tout le moins non surtaxé (Uriage). Ces services devraient être disponibles pendant des horaires fixés par contrat : de 9h à 18h pour Caudalie, ou de 8h à 20h pour Expanscience…Les réponses devraient parvenir aux internautes de manière immédiate dans la mesure du possible (Johnson & Johnson) ou dans des délais allant de 6 heures pour Rogé Cavaillès (8) à 72 heures pour Nuxe.

Ces prestations ont pour but de rapprocher le conseil en ligne de celui délivré dans les points de vente physiques. Or, contre toute attente, des fournisseurs ont supprimé l’obligation pour le distributeur d’être équipé d’une webcam (Bioderma, L’Oréal). Sans image, un conseil par email ou par téléphone peut-il vraiment être équivalent à un conseil en vis-à-vis ?

Les publicités, promotions devront être identiques aux opérations présentées dans le point de vente physique (L’Oréal) ou être préalablement approuvées par le fournisseur (Nuxe). On relève que Caudalie propose d’interdire à ses distributeurs d’utiliser les termes « remise x % » ou « discount » qu’elle estime être dévalorisants. Cette disposition, pour le moins surprenante, n’aurait-elle pas pour objet de limiter l’intérêt d’une concurrence par les prix entre distributeurs ?

Plusieurs engagements prévoient que le site puisse être décliné en plusieurs langues, si le distributeur est à même de répondre aux consommateurs dans celles-ci (L’Oréal, Caudalie, Uriage). Seul Expanscience impose l'obligation de répondre en français et/ou en anglais, et/ou en espagnol à des questions posées sur son site et celle de mettre en ligne un questionnaire en français espagnol et anglais. Quid de ses distributeurs ne visant que le marché franco-français?

Pour lutter contre la vente hors réseau et les importations parallèles, les auteurs des engagements proposent de limiter le nombre de produits identiques pouvant être achetés par commande : 3 chez Liérac à 10 chez Johnson & Johnson, sous réserve de ne pas dépasser 24 par an. Dans un réseau de distribution sélective, les distributeurs ont l’interdiction de vendre à des distributeurs non agréés. Nuxe et Oenobiol précisent ainsi que leurs distributeurs ne doivent pas honorer les commandes « anormales en quantité ou périodicité pour un consommateur final » ou livrer les collectivités, comités d’entreprise… De plus, il est précisé par plusieurs fournisseurs que les produits ne pourront être expédiés en dehors de l’Espace Economique Européen (Nuxe, Uriage) ou de l’Union Européenne (Johnson & Johnson).

Enfin, concernant le référencement du site, certains fournisseurs soumettent l’usage de leur dénomination sociale ou de leurs marques comme mot-clef à leur accord préalable (Expanscience, Nuxe, Uriage). Liérac l’interdit purement et simplement.

C’est la troisième fois que le secteur des cosmétiques fait l’objet des attentions du Conseil de la Concurrence. Dans la première procédure (9), il a estimé que la pratique des fabricants de réserver leur agrément aux pharmacies était restrictive de concurrence. Dans la seconde (10), il a notamment admis que cet agrément soit subordonné à la présence, sur le point de vente, d’un professionnel diplômé en pharmacie. Les engagements présentés aujourd'hui signifient-ils que la présence physique du pharmacien est équivalente à une présence épistolaire ou téléphonique ?

Caudalie précise, en ce qui la concerne, que ce n’est pas le cas. C’est pourquoi elle demande à ce que les sites de ses distributeurs précisent que « malgré les progrès de la technique, le contact direct avec le pharmacien-conseil ou une personne qualifiée reste unique et irremplaçable pour apporter à l'internaute ce qu'il est en droit d'attendre » de ses produits.

On ne peut que faire le lien entre les pratiques dont s’est saisi le Conseil de la Concurrence avec les faits à l’origine de l’affaire Pierre Fabre qui avait défrayé la chronique en 1999 (11).

Dans cette affaire, un pharmacien, distributeur agréé de cette société, avait créé un site internet pour y vendre ses produits. La Cour d’appel de Versailles lui avait ordonné de cesser leur distribution en ligne au motif que « la commercialisation sur Internet ne permet[tait] pas d’obtenir les mêmes résultats » que la distribution traditionnelle. La Cour reprochait au site de ne pas remplir « les objectifs de sécurité, de santé, de mise en valeur des produits exigés ». Elle relevait notamment que les conseils à destination du consommateur « ne pouvaient être donnés immédiatement » mais « seulement sur les indications du client », ce qui ne permettait pas d’apprécier ses besoins réels. Si à présent l’esthétique des sites s’est grandement améliorée, les besoins des consommateurs ont-ils changé ?

Les engagements qui viennent d’être présentés au Conseil par les sociétés de cosmétiques ne concernent qu’elles et la Société Pierre Fabre n’est pas mentionnée dans cette procédure. Mais l’on peut se demander quel est l’apport véritable d’un conseil pharmaceutique délivré par e-mail. 

Céline Marchand

(1) « Vente en ligne et droit de la concurrence : les règles se précisent », Juriscom.net, Céline Marchand http://www.juriscom.net/actu/visu.php?ID=856 

(2) Communiqué de procédure du 14 novembre 2006, Distribution de produits cosmétiques et d'hygiène corporelle,  Affaire 06/0044F, http://www.conseil-concurrence.fr/user/standard.php?id_rub=205&id_article=635

(3) Lignes Directrices sur les restrictions verticales (2000/C 291/01), points 51 et 53 

(4) décret n° 2005-1668 du 27 décembre 2005, article L. 464-2 du code de commerce 

(5) Caudalie, Bioderma, Vichy, La Roche Posay, Mustela, Roc, Neutrogena, Liérac, Nuxe, Oenobiol, Rogé Cavaillès, Uriage. 

(6) Sociétés qui ne disposent pas d’un point de vente physique, vendant exclusivement par internet 

(7) http://www.conseil-concurrence.fr/pdf/avis/06d24.pdf ; Décision n° 06-D-24 du 24 juillet 2006 relative à la distribution des montres commercialisées par Festina France 

(8) Une erreur a dû se glisser dans l’engagement de Rogé Cavaillès, puisqu’il prévoit « 6 heures maximum si les messages sont laissés entre 9 heures du matin et 18 heures pendant les jours ouvrables ; 15 heures si les messages sont laissés de 18 heures à 6 heures du matin pendant les jours ouvrables ». Il ne prévoit pas de délai de réponse pour les messages adressés entre 6 heures et 9 heures du matin. 

(9) Décisions n°87-D-15 du 9 juin 1987 et n° 93-D-35 du 21 septembre 1993 

(10) Décision n° 96-D-57 du 1er octobre 1996 

(11) Cour d’Appel de Versailles, 13ème chambre, 2 décembre 1999, Société P. F. Dermo Cosmétique et autres c/ Alain B, D.1999, 725, note Manara 

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